J’ai été invité dans le cadre de cette manifestation, L’art dans les chapelles, en tant que photographe. En effet, pour cette vingtième édition, il fallait révéler l’existence d’un territoire en pointillé, présent entre chaque chapelle.
À l’aide d’outils, un appareil photographique, quatre cartes IGN, une voiture, j’applique des méthodologies simples : tout d’abord, choisir une direction, suivre une route, un chemin à l’aide d’une carte et regarder autour de moi, dresser des constats photographiques de ce spectacle.
Puis un détail, un élément résiste et me fait diverger ; dès lors, je suis dans l’errance, “je me perds”, jusqu’à regarder la carte pour me connecter à nouveau au réseau, à effectuer une localisation ; (cette manière de travailler me semble entretenir une troublante similitude avec la pensée dont les routes sont les fils tissés entre chaque neurone).
C’est un parti-pris violent, je suis doublement prisonnier : de la “bulle” de la voiture et de la ligne qui a déjà été tracée pour moi, je ne sors guère. Ce que je vois m’apparaît à travers un premier filtre, le pare-brise du véhicule, et je suis sans cesse confronté à deux dimensions, deux visions du paysage, de part et d’autre de la route. Je suis dans l’entre-deux, dans le théâtre du mouvement.
Les exceptions deviennent les prises de vue que je collecte, constats de paysages figés, qui m’obligent à m’arrêter quelques instants, et qui s’opposent à ce film incessant, ce déroulé dont les écrans sont les fenêtres de la voiture. Cette sensation de“Road-Movie” est récurrente, obsédante. J’ai l’impression d’être à la fois dans un film mais aussi dans un jeu virtuel dont les manettes sont le volant, le levier de vitesse et les pédales. C’est d’ailleurs pour ces raisons que j’ai présenté ce travail sous forme de projection.
Ce que je photographie, c’est ce que je veux montrer, “faire voir” ; comme tout paysage, celui-ci manifeste une grande complexité. En majeure partie façonné par l’homme (agriculture, élevage, routes, constructions, sylviculture…), il est aussi l’expression d’une étrangeté sauvage et cachée, d’où proviennent sans doute les légendes bretonnes ; de là vient peut-être l’incompréhension, le silence transformé en peur sourde, lorsque finalement on quitte la voiture pour s’aventurer dans un bois marécageux et sombre.
Avec le soutien de L’art dans les chapelles.